Quelques réflexions sur l’art de l’improvisation musicale

Il existe plusieurs contextes différents pour l’improvisation: en solo, en solo avec accompagnement préparé, en duo, en groupe, sans style pré-déterminé, dans un style spécifique, à capella, avec des instruments identiques ou apparentés, avec des instruments différents, avec percussions, entièrement avec percussions, avec un rythme prédéterminé, avec un rythme acquis, sans rythme. Je suis certain que cette liste n’est pas exhaustive mais le musicien doit bien comprendre ces contextes et leurs règles spécifiques au départ. Comment ça des règles! Je croyais que l’on parlait d’improvisation…

Prenons un exemple, un guitariste commence à jour une série d’accord qu’il connait bien, deux flûtistes se présentent et commencent à jouer en même temps, l’un est expérimenté et l’autre débutant. Les mélodies se croisent avec plusieurs notes dissonantes produites par le flûtiste débutant qui est tellement heureux d’enfin pouvoir jouer avec d’autres. Il y a plusieurs problème ici, tout d’abord le résultat global sera pénible pour tout auditeur extérieur, ensuite le guitariste va se fatiguer de faire toujours la même chose car au-dessus de sa tessiture, il n’y a qu’un méli-mélo de notes sans intention claire. Est-ce que cela veut dire que pour jouer ensemble il faut tous être du même niveau? Absolument pas, je me rappelle une improvisation que j’ai commencé avec un background tripatif, mes deux amis, un au djembe et l’autre à l’accordéon en Sol ont tout d’abord saisi l’atmosphère qui était créée. Ensuite, l’accordéon en Sol a pu très bien s’intégrer doucement sur le background en Mi mineur. Le djembe a été respectueux de l’ambiance et lorsque l’atmosphère et l’intention était devenu claire, j’ai arrêté le background pour éliminer la compétition entre le rythme pré-enregistré et la percussion live. Nous avons eu une séance magnifique et magique de plus de 15 minutes de bonheur. Les règles qui ont été respectées dans ce scénario sont que les musiciens moins expérimentés ont laissé le plus expérimenté choisir l’intention et l’atmosphère. Ils ont ensuite écouté. Dans ce cas, contrairement au scénario des deux flûtes, il n’y avait pas de compétition pour le même spectre sonore, chacun avait sa place : la guitare, le djembe et l’accordéon occupait chacun leur espace sonore, et ceci permettait d’éliminer la règle qui veut que si une telle compétition existe, il doit y avoir alternance.   Dans le premier scénario, les flûtistes auraient du alterner.

S’il y a une alternance respectueuse, le guitariste acceptera avec bienveillance de servir de cadre à un débutant, il fera un effort pour conserver un rythme clair et éliminer les variations qui feraient perdre pied au débutant. Le flûtiste débutant doit être conscient du nombre de répétition du pattern qu’il s’autorise, s’il n’est pas capable de conter les répétitions, il doit surveiller le guitariste qui donnera un signal clair que l’on passe à autre chose. Ce signal peut être fait instrumentalement ou par un signe extérieur. Lorsque le flûtiste expérimenté commence à jouer, le guitariste doit détecter son intention et modifier son jeu en conséquence pour supporter l’intention. Si le flûtiste commence à jouer rythmiquement, il doit y avoir une réponse rythmique, à tout le moins la courbe énergétique doit être supportée. Il est possible pour le guitariste d’inspirer le flûtiste en proposant des harmonies plus complexes ou en modifiant le niveau d’énergie. La vraie magie opère quand cette décision de courbe énergétique est commune, comme si elle était décidée à l’extérieur du duo.

Le guitariste qui jouait les accords avait-il un style folk, bossa, jazz trad ou musique du monde? Avait-il un style? Ce soir je vais dans un jam de trad irlandais. Ce sera ma première visite à ce groupe qui se rencontre une fois par mois à Val-David au Baril Roulant. Est-ce que j’amène un instrument? Non, j’apporte d’abord mes oreilles. Premièrement, je ne maîtrise pas le style, deuxièmement le contexte irlandais traditionnel est très spécifique, le protocole demande de tout d’abord apprendre les mélodies et accords par soi-même avant de faire des sons. J’apporte mon Olympus LS-10 pour pouvoir pratiquer. Est-ce que c’est un protocole imposé par les autres? Pas du tout, c’est le résultat de l’expérience et du simple bon sens. Tout bon jam commence par la capacité d’écouter. Il sera intéressant d’observer comment cohabitent les débutants avec les instrumentistes plus expérimentés et également d’identifier où se loge l’improvisation dans un style très codifié.

J’espère que ces quelques réflexions vous donnerons envie d’aller improviser avec d’autres.

 

Une ambiance à partager

Cette ambiance a été composée au chic café Shaika dans NDG avec un iPad 4 et iMaschine.  Vous pouvez la télécharger de mon site Soundcloud Mark Pond.  Le dessin est une monographie à impression unique réalisé lors d’un atelier de créativité par l’art donné par Helga Schleeh au Centre des Arts Visuels.

Le café est branché à  Ile sans Fil et offre également des spectacles le soir.

 

Vous pouvez obtenir une courte mais efficace introduction au workflow de iMaschine ici bas: